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Progression du mésusage du fentanyl : importance de l’addictovigilance

Les cas de mésusage et de dépendance primaire aux formes de fentanyl non injectables (formes transdermique et transmuqueuses) semblent augmenter en France, selon une étude publiée en novembre 2019 dans le journal Therapies sur les données du  Réseau Français d’Addictogilance.

Dans cette étude, ont été analysées les données d’Addictovigilance sur les formes non injectables de fentanyl entre 2010 et 2015, d’une part recueillies à partir des études épidémiologiques annuelles menées par le Réseau Français d’Addictovigilance et d’autre part signalées dans les notifications spontanées de cas faites par les professionnels de santé.

Plus de 200 notifications ont ainsi été recensées. Les profils mis en évidence dans ces observations cliniques d’Addictovigilance différent en fonction de la forme galénique. Pour la forme transdermique, 2 profils se distinguent : 1/ celui de femmes qui continuent d’utiliser ces produits alors que les douleurs ont disparu ou diminué ou qui augmentent les doses devant des douleurs persistantes (74 %), et 2) celui d’hommes qui sont déjà dépendants à l’héroïne et qui utilisent les patchs de fentanyl en auto-substitution (26 %). Pour les formes transmuqueuses 1 seul profil émerge : il s’agit plutôt de femmes algiques ayant développé une dépendance primaire aux fentanyls d’action rapide.  

Le mésusage du fentanyl n’est pas sans risque toxique : les effets indésirables observés chez les patients en situation d’abus/dépendance sont typiques des opioïdes, et parfois graves, pouvant mettre en jeu le pronostic vital. A noter, 19 décès en France entre 2010 et 2015 : 2 pour les formes transmuqueuses et 17 concernant les formes transdermiques dans des contextes de consommation problématique de ces spécialités.

D’après les auteurs, la plupart de ces observations (> 50%) découlent d’une prescription médicale initiale, parfois injustifiée, pour des douleurs non cancéreuses, en particulier pour les formes transmuqueuses de fentanyl (> 70 % des prescriptions sont hors indication cancéreuse dans les cas d’abus/dépendance signalés).

Ces résultats sont préoccupants, notamment du fait des décès avec le fentanyl comme seule molécule responsable. Devant les risques importants du fentanyl, les auteurs soulignent l’importance de poursuivre la surveillance du mésusage, en particulier, grâce aux outils multi-sources du Réseau Français d’Addictovigilance permettant une évaluation complète et détaillée du risque de mésusage, d’abus et de dépendance.

Juliana Tournebize, Valérie Gibaja, Centre Addictovigilance (CEIP) de Nancy

Source : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S004059571930174X