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TITRATION LENTE DE LA METHADONE DANS LA DOULEUR CANCEREUSE : TOLERANCE ACCRUE ET EFFICACITE COMPARABLE AUX SWITCHS RAPIDES

La place de la méthadone dans l’antalgie des douleurs cancéreuses échappant aux antalgiques opioïdes conventionnels est désormais bien établie. Aucune stratégie de switch ne fait toutefois consensus. Celles jusqu’alors publiées proposent une rotation et une augmentation rapide (≤ 3 jours) des posologies de méthadone afin d’obtenir une bonne efficacité antalgique rapidement. Toutefois, ceci se fait au prix de nombreux effets indésirables (troubles de la vigilance et dépression respiratoire notamment) imputables au surdosage découlant d’une augmentation trop rapide de la méthadone. Outre leurs gravités éventuelles, ces effets indésirables dégradent l’image de la méthadone et induisent une méfiance chez les praticiens, restreignant l’usage de cet opioïde malgré son potentiel antalgique intéressant.

Dans cette étude de cohorte rétrospective, les auteurs évaluent une stratégie de titration lente dite « Start Low, Go Slow », dont l’objectif est d’obtenir une efficacité équivalente aux switchs dits « rapides » avec une sécurité d’emploi accrue. La méthadone est instaurée à posologie basse (0,5 à 2mg par prise), administrée toutes les 8 heures parallèlement au maintien de l’antalgique opioïde initial. Les doses de méthadone sont ensuite progressivement augmentées par paliers espacés d’au moins 3 jours, sans dépasser 20% de la dose cumulée quotidienne par palier, et jusqu’à ce que le patient se sente « confortable ». L’antalgique opioïde initial est alors progressivement arrêté concomitamment à la poursuite de l’adaptation des posologies de méthadone (cf. protocole « Methadone for analgesia » en lien ci-dessous).

Les auteurs ont analysé 652 dossiers de patients, suivis dans 6 CETD canadiens sur les 14 dernières années, ayant bénéficié de ce protocole progressif pour l’antalgie de fortes douleurs cancéreuses (EVA moyenne : 6,3/10), neuropathiques dans 63% des cas. Une bonne efficacité antalgique a été retrouvée dans 74,8% des dossiers. Ce résultat est similaire à ceux obtenus avec les stratégies rapides. La tolérance était satisfaisante, avec des effets indésirables essentiellement neurologiques et digestifs peu sévères. Seuls 2,3% des patients ont expérimenté des effets indésirables nécessitant une hospitalisation (sédation, n= 5 ; insuffisance respiratoire, n=4).

L’analyse des résultats confirme l’hypothèse des auteurs. La titration lente en méthadone semble aussi efficace sur le plan antalgique que lors des switchs rapides avec une sécurité d’emploi accrue. De fait, cette méthode paraît rassurante et pertinente pour les praticiens qui souhaitent instaurer la méthadone en ambulatoire dans un contexte de douleurs cancéreuses.

À la vue des caractéristiques pharmacocinétiques de la méthadone, il paraît indispensable de respecter un délai minimum de 3 jours entre chaque augmentation de posologie. En effet, la méthadone possède un effet cumulatif qui ne permet d’atteindre une stabilité des taux plasmatiques que dans les 72h suivant la modification de dose. Conclure à une efficacité insuffisante de la posologie en cours avant ce délai expose donc le patient à un risque de surdosage et aux complications potentiellement graves qui peuvent l’accompagner.

Protocole : https://www.cpsbc.ca/files/pdf/DP-Methadone-for-Analgesia-Guidelines.pdf

Lien NCBI : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28595027

Par Célian Bertin