Résultats du suivi national d’addictovigilance des médicaments contenant du fentanyl (transmuqueux)
Rapporteur CEIP-Addictovigilance / CRPV Nancy
Version : septembre/novembre 2016
Comité technique d’addictovigilance / de pharmacovigilance, ANSM
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Depuis 2002, des formes transmuqueuses de fentanyl à libération immédiate sont disponibles et sont indiquées uniquement dans le traitement des accès douloureux paroxystiques chez les patients adultes recevant déjà un traitement de fond opioïde pour des douleurs chroniques d’origine cancéreuse. La molécule de fentanyl étant connue pour son potentiel d’abus/dépendance et de toxicité élevés, son utilisation dans des formes d’action rapide, à la biodisponibilité importante, majore ces risques. Les risques potentiels et identifiés sont : le mésusage (utilisation hors AMM aussi bien en termes d’indication que de modalités du traitement), la pharmacodépendance, le surdosage ou overdose, le passage d’une forme à une autre sans respect des règles de titration.
Sur la période de janvier 2013 à décembre 2015, un total de 346 cas a été rapporté. Le taux de notifications le plus élevé par rapport au nombre de patients traités concerne les spécialités Effentora® et Instanyl®. Ces cas concernent majoritairement des femmes (52 %). Les tranches d’âge les plus concernées sont les tranches 40 à 59 ans et 60 à 79 ans (environ 60 % au total).
72% des cas d’abus ou dépendance surviennent lors de prescriptions hors AMM
Les signalements concernent principalement une prescription dans une indication non conforme à l’autorisation de mise sur le marché (AMM) (52 %), un problème de traitement de fond qui est inexistant ou insuffisant (24 % dont 73% de ces cas où il est inexistant), une dose excessive prescrite (26 %), et des cas d’abus et/ou dépendance (32 % dont 72 % surviennent dans un contexte de prescription dans une indication non conforme à l’AMM). A noter que, parmi les cas d’abus/dépendance, la part de prescription dans une indication hors AMM augmente depuis la précédente enquête de 67 % à 72 %.
Les indications hors AMM sont majoritairement des douleurs rhumatologiques (29%), des douleurs liées aux soins/escarres (4%), des douleurs neuropathiques (10%), une fibromyalgie (7%), en post-chirurgie (8%), des douleurs gastro-intestinales (5%) et des douleurs chroniques et/ou non cancéreuses sans autre précision (20 %).
Sur les 346 cas signalés, 112 (32 %) concernent un abus et/ou une dépendance. Les spécialités les plus concernées sont Instanyl®, Actiq® et Effentora®. Il s’agit principalement de femmes et l’âge médian est de 47,5 ans. La fréquence d’administration est généralement supérieure aux 4 prises par jour recommandées (dans plus de 60 % des cas). Des antécédents psychiatriques sont rapportés dans 24 % des cas, et des antécédents de trouble lié à l’usage d’une substance dans 20 % des cas.
A noter que dans 10 % des cas d’abus et/ou dépendance, il est rapporté que le patient consomme le fentanyl transmuqueux pour un effet autre qu’antalgique (effet euphorisant, antidépresseur, positif, stimulant, etc.)
Enfin, endehors des cas en lien avec un mésusage, abus ou dépendance, il n’y a pas de fait majeur nouveau et marquant de sécurité. La majorité des effets indésirables rapportés sont listés et typiques de opioïdes (syndrome de sevrage, somnolence, nausées, vomissements, céphalées, dépression respiratoire, coma, constipation, dyspnée). Les effets indésirables locaux sont toujours observés avec principalement des pertes de dents, focales, diffuses voire totales avec ACTIQ®.
En conclusion, le mésusage persiste en proportions importantes, notamment en terme d’indications hors AMM, et ceci malgré la communication de l’ANSM en septembre 2013. La problématique d’abus et de dépendance est, elle, en augmentation par rapport à la précédente période de suivi. Afin de mieux sécuriser la prescription des fentanyl transmuqueux, plusieurs propositions sont discutées telles que sa restriction à certains spécialistes et la mise en place d’un carnet patient ou d’un registre patient à renseigner à l’initiation et au cours d’un traitement par une spécialité de fentanyl transmuqueux. Les données d’addictovigilance devraient être complétées par celles de toxicovigilance avec l’analyse des cas d’intoxication chez les adultes et les enfants, volontaires et involontaires, ceci afin d’évaluer la toxicité et de compléter les données d’abus/dépendance.
