Résultats de l’enquête officielle d’addictovigilance des médicaments contenant du fentanyl transdermique
Rapporteur CEIP-Addictovigilance Nancy
Version : Novembre 2016
Comité technique des CEIP-Addictovigilance, ANSM
Le fentanyl est un opioïde puissant à marge thérapeutique étroite. L’effet analgésique est 75 à 100 fois supérieur à celui de la morphine. Trois formes galéniques selon la voie d’administration sont disponibles sur le marché : intraveineuse, transmuqueuse et transdermique.
Ces spécialités sont indiquées chez l’adulte dans le traitement des douleurs chroniques sévères, qui ne peuvent être correctement traitées que par des analgésiques opioïdes et chez l’enfant à partir de 2 ans recevant des analgésiques opioïdes dans le traitement au long cours des douleurs chroniques sévères.
En décembre 2015, un cas mortel de surdosage lié à l’administration du contenu d’un patch de fentanyl par voie intraveineuse a été notifié en France au réseau des CEIP. En avril 2016, l’Agence a ouvert une enquête nationale d’addictovigilance, confiée au CEIP de Nancy.
Au total, sur la période 2010-2015, 316 notifications (provenant du réseau des CEIP, de la Banque Nationale de Pharmacovigilance et des laboratoires) ont été analysées dont 169 cas d’intoxications et 147 cas d’usage problématique (abus, dépendance, usage détourné, sevrage, etc.). Entre 2010 et 2015, le nombre de cas dans un contexte d’abus et de dépendance a augmenté de 17 à 26 cas. Le nombre de cas décrits dans la littérature a également augmenté à partir de 2006.
Sur les 147 cas d’abus et de dépendance signalés en France, 57% (84 cas) sont graves et 8 sont des décès (liés à un usage récréatif du fentanyl). Les 147 cas d’abus et de dépendance correspondent à 96 cas de pharmacodépendance (65,3%), 61 cas d’abus (41,5%), 53 modifications de la modalité d’administration (36,1%), 36 cas de comportement de transgression (24,5%), 29 syndromes de sevrage (19,7%) et 19 détournements de la voie d’administration (12,9%).
26% des cas dans un contexte de recherche d’un effet psychique
Concernant les effets recherchés (renseignés dans 107 cas sur 147), deux profils de consommation se distinguent en France :
- les effets antalgiques, dans 79 cas (74 %) : femmes (60,8 %) avec antécédents addictifs et/ou psychiatriques (45,6 %), ayant obtenu leur traitement par prescription médicale (93,2 %) pour une douleur chronique cancéreuse (93,2 %)
- les effets psychiques positifs autres qu’antalgiques, dans 28 cas (26 %) : hommes (81,5 %) avec antécédents addictifs et/ou psychiatriques (86,9 %), ayant obtenu leur traitement illégalement (60 %)
Les 8 décès concernent des personnes ayant des conduites addictives.
Les risques liés à l’utilisation de ces spécialités sont les effets indésirables des dérivés morphiniques et le risques de surdose en fentanyl inhérents au dispositif transdermique : les quantités initiales et résiduelles (après usage) contenues dans un dispositif transdermique sont très importantes et toxiques. Les données de pharmacosurveillance mettent en évidence des cas d’abus avec détournement de la voie d’administration et la forte toxicité des patchs de fentanyl avec la survenue de décès.
