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Tramadol seul

Résultats de l’enquête officielle d’addictovigilance des médicaments contenant du tramadol

Rapporteur CEIP-Addictovigilance Toulouse

Version : septembre 2016

Comité technique des CEIP-Addictovigilance, ANSM

Le tramadol est un antalgique d’action centrale de palier II selon la classification de l’OMS, indiqué dans le traitement des douleurs modérées à intense chez l’adulte. Dans certaines AMM, il est aussi indiqué chez l’adolescent de plus de 12 ans. Enfin, les solutions buvables sont réservées à l’enfant à partir de 3 ans et à l’adolescent. Ses effets recherchés et indésirables sont liés à un effet agoniste sur les récepteurs opioïdes mu ainsi qu’à une inhibition de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline.

Depuis 2010, le tramadol fait l’objet d’un suivi national d’addictovigilance.  Depuis 2013, il a été observé une augmentation de l’usage détourné du tramadol, dans différents contextes : automédication de troubles psychiques, pour pallier le manque d’opioïdes forts ou chez les polytoxicomanes. Les résultats présentés dans ce rapport portent sur les années 2014 et 2015.

 

Le réseau des CEIP a recueilli 69 notifications spontanées concernant le tramadol en 2014 et 85 en 2015. Leur nombre est en augmentation constante ces dernières années. La moyenne d’âge des sujets a diminué et se situe en dessous de 40 ans. Comme dans les enquêtes précédentes, le traitement de la douleur représente le motif principal de début de l’usage du tramadol. Alors que les opioïdes ne sont pas recommandés pour le traitement de la douleur des migraines, cette raison d’usage initial (hors AMM) de tramadol (céphalée/migraine) est observée depuis 2013.

 

La prescription de tramadol pour la substitution de la pharmacodépendance aux opioïdes (hors AMM) est observée pour la première fois dans cette période d’enquête, avec des doses prescrites élevées, supérieures à la dose maximale recommandée.

 

Le nombre de cas de polytoxicomanies incluant le tramadol est en augmentation, passant de 6 cas en 2012, à 13 cas en 2013, 24 cas en 2014 et 26 cas en 2015. Depuis 2 ans, la part des cas de polytoxicomanies dans les notifications spontanées concernant le tramadol a dépassé 30 %. L’usage détourné par les patients eux-mêmes à des fins autres que l’antalgie ne concernait pas uniquement des cas de polytoxicomanies. Ont été recensés une recherche d’effet de type opioïde (anxiolyse, apaisement, détente, euphorie, hypnotique, sédatif, défonce), une recherche d’effet stimulant (« boost », désinhibition, stimulation dans un contexte de surmenage professionnel), une consommation quand le sujet n’a pas de méthadone, une « correction du manque » (abstinence impossible en raison des signes de sevrage) et consommation par appréhension du syndrome de sevrage, une association à de l’alcool pour essayer de majorer les effets.

 

Les raisons des usages détournés sont nombreuses : recherche d’effet récréatif dans un cadre de toxicomanie, recherche d’effet hypnotique, amélioration des performances professionnelles, gestion des événements de vie (automédication à visée antidépressive ou anxiolytique), lutte contre le « manque » ou les signes de sevrage ou encore conduite dopante notamment dans le cyclisme.

 

Parmi les patients dépendants avec des signes de sevrage (y compris à dose thérapeutique et pour une durée d’exposition très courte), l’analyse de ces signes décrits sur une période de 6 ans (226 citations de signes de sevrage) fait apparaitre que les signes « psychologiques et psychiques» du sevrage avec principalement les troubles et symptômes de l’anxiété sont plus fréquemment retrouvés que les signes « physiques » (essentiellement douleurs et sueurs). Les signes de sevrage « psychologiques et psychiques » contre lesquels il est difficile de lutter peuvent être à l’origine d’une prise persistante du tramadol comme cela est d’ailleurs clairement précisé dans plusieurs notifications.

 

Compte-tenu de l’augmentation régulière du nombre de cas d’abus et de dépendance impliquant le tramadol et de son obtention majoritairement sur prescription médicale, une action d’information auprès des professionnels de santé concernés (médecins généralistes, spécialistes, pharmaciens et dentistes) devrait être réalisée, portant sur :

le rappel des indications de l’AMM du tramadol, en précisant que le tramadol n’est pas recommandé pour le traitement de la douleur migraineuse ni dans le traitement de substitution des opioïdes,

le risque de dépendance mêmes à doses thérapeutiques et parfois pour des traitements de très courte durée (une semaine) et la nécessité de prise en charge des signes de sevrage,

les risques liés à l’abus (crises convulsives et décès),

l’usage détourné (et notamment les conduites dopantes en milieu sportif),

la nécessité d’évaluer régulièrement si les patients présentent un usage problématique du tramadol.

Suivi National de Pharmacovigilance des spécialités à base de tramadol : focus pédiatrique

Rapporteur CRPV Toulouse

Version : février 2016

Comité technique de pharmacovigilance, ANSM

Le suivi national des spécialités à base de chlorhydrate de tramadol a été initié en 2010 à la suite du retrait du dextropropoxyphène afin d’évaluer un éventuel report des prescriptions sur le tramadol. Une possible augmentation de ce report a également pu survenir depuis la restriction d’utilisation de la codéine chez l’enfant de moins de 12 ans en juin 2013. En effet, désormais, le tramadol est le dernier antalgique de palier 2 sur le marché chez l’enfant de moins de 12 ans. Ce rapport présente les données sur les cas pédiatriques sur la période du 01/08/2011 au 31/12/2015.

46% des notifications sont des surdosages en tramadol

Au total, 85 cas graves correspondant à 241 effets indésirables. Parmi ces 241 effets indésirables, les surdosages (volontaires ou résultants d’une erreur médicamenteuse) représente 46% des cas, les effets indésirables avec utilisation dans l’AMM ont représentés 41% des cas. Puis sont

représentées les erreurs médicamenteuses (4%), les grossesses (3%) et les interactions (2%).

Quatre décès ont été rapportés dans la population pédiatrique dont 1 un enfant de 13 ans en post-opératoire et 2 dans un contexte de surdosage (8 mois et 3 ans).

Dix cas de mises en jeu du pronostic vital ont été rapportés dans le cadre d’un surdosage (5 volontaires, 4 non-volontaires et 1 sans information). Un cas de métaboliseur ultra-rapide du CYP 2D6 avec mise en jeu du pronostic vital a été rapporté lors d’un usage dans l’AMM (enfant de 5 ans ayant reçu une prise de 8 gouttes soit 1 mg/kg).

Les autres effets indésirables « graves » principaux sont des affections du système nerveux (24,9%)

(altération de la conscience, convulsions et vertiges), puis des erreurs médicamenteuses et ntoxications/surdosages (16,2%). Sont ensuite représentées les affections gastro-intestinales (10,4%) (vomissements, nausées) puis respiratoires (9,1%).

Une requête dans la base des erreurs médicamenteuses a retrouvé 36 cas d’erreurs médicamenteuses concernant le tramadol dans la population pédiatrique, dont 26 avec des effets

indésirables (période du 01/01/2011 au 06/01/2016). Parmi ces cas, 15 concernent le tramadol solution buvable dont 5 sont des confusions avec d’autres médicaments (notamment avec le Célestène®, Virlix®). Parmi les 36 cas d’erreurs médicamenteuses, 7 étaient graves et concernaient la forme galénique « solution buvable ». Parmi ces 7 cas, 5 ont été causés par une erreur d’administration (nombre de gouttes). L’erreur était à chaque fois l’administration d’une dose en gouttes par kg et non en gouttes par prise.

Le rapporteur conclut qu’il n’y a pas de nouveau signal, ni de signal majeur d’effet indésirable grave mis en évidence dans la population pédiatrique, sur la période observée. En revanche le rapporteur souligne qu’il semble exister un sur-risque de surdosage chez les métaboliseurs ultra-rapides du CYP2D6, du fait de la voie de métabolisation du tramadol, similaire à celle de la codéine. Le nombre d’erreurs médicamenteuses chez l’enfant, notamment lors de la prescription de formes en solution buvable, a été jugé préoccupant. Il est également proposé d’attirer l’attention des prescripteurs sur ce risque d’erreurs, et de leur proposer de prescrire en gouttes/prise et non en milligramme par poids.