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Comment faire bon usage des médicaments antidouleurs

Comment faire bon usage des médicaments antidouleurs

Les antidouleurs sont efficaces, mais il est important de bien les prendre. Shutterstock
Nicolas Authier, Université Clermont Auvergne

Les médicaments antidouleurs ou antalgiques sont les premiers médicaments consommés par les Français. Les plus utilisés sont le paracétamol, l’ibuprofène, ainsi que deux substances opioïdes, la codéine et le tramadol.

Si les douleurs aiguës peuvent concerner tout un chacun à un moment ou un autre de son existence, certaines personnes doivent endurer des douleurs chroniques, ainsi qualifiées lorsqu’elles s’étendent sur plus de trois mois. Une étude récente de l’équipe Inserm 1107 Neuro-Dol a rapporté que 27 à 32 % de la population française se trouverait confronté à cette situation.

Que la douleur soit aiguë ou chronique, comment bien utiliser les médicaments destinés à la soulager ?

Tous les Français consomment des antidouleurs

On peut estimer qu’au cours d’une année, quasiment 100 % des Français vont utiliser un médicament antidouleur, le plus souvent pour traiter une douleur aiguë.

Le nombre de personnes bénéficiant d’un remboursement d’un médicament antidouleur a augmenté de 15 % depuis 2004, malgré le retrait du marché du dextropropoxyphène (Di-antalvic) en 2011. Au moins 65 % des Français étaient dans cette situation en 2017.

Cette augmentation concerne notamment les antidouleurs non opioïdes comme le paracétamol. Par ailleurs, ces chiffres ne tiennent pas compte de l’automédication en pharmacie (paracétamol, ibuprofène et codéine, cette dernière étant délivrée sans ordonnance jusqu’en juillet 2017) ou familiale (armoire à pharmacie). Concernant les antidouleurs opioïdes (dérivés de la morphine), au moins 12 millions de Français en feront usage dans l’année, dont une majorité pour des traitements de courte durée. Enfin, plus de 90 % des malades souffrant de douleur chronique utilisent du paracétamol ou un anti-inflammatoire (comme l’ibuprofène) et 45 %, des antidouleurs opioïdes.

Le paracétamol : pas plus de 3 grammes par jour

Le paracétamol est le premier médicament antidouleur consommé en France. Il est recommandé en première intention pour une douleur légère à modérée. Comme le rappelle l’Agence du médicament,

« c’est un médicament sûr et efficace dans les conditions normales d’utilisation. Mais en cas de mésusage, notamment par surdosage en associant plusieurs produits contenant du paracétamol ou par non-respect de leur posologie, le paracétamol peut entraîner des lésions graves du foie dans certains cas irréversibles. La mauvaise utilisation du paracétamol est la 1re cause de greffe hépatique d’origine médicamenteuse en France. »

Une étude du centre de pharmacovigilance de Nancy a montré que seuls 14 % des patients connaissent le risque de toxicité hépatique du paracétamol.

Projet message surdosage paracétamol et risque hépatique. ANSM

L’ANSM a d’ailleurs lancé en septembre une consultation publique en vue de faire figurer sur les boîtes de ces médicaments un message d’alerte sur ce risque.

Pour limiter les risques d’effet indésirable, les règles essentielles de bon usage sont simples : commencer avec une prise de 500 mg, espacer les prises d’au moins 4 à 6 h, ne jamais dépasser 3 grammes par jour, et ne pas allonger la durée de traitement en automédication au-delà de 5 jours. Enfin, il faut être vigilant sur le paracétamol « caché » dans certains médicaments, notamment ceux destinés à traiter le rhume ou la fièvre ainsi que certains antidouleurs opioïdes comme la codéine, le tramadol ou la poudre d’opium. Celui-ci risque en effet de venir s’ajouter à celui pris pour une douleur. Or près de 200 médicaments commercialisés en France contiennent du paracétamol !

L’ibuprofène : jamais pendant la grossesse

L’ibuprofène est un médicament anti-inflammatoire non stéroïdien utilisé pour traiter des douleurs légères à modérées. C’est l’anti-inflammatoire le plus consommé, car disponible sans ordonnance en pharmacie.

L’Agence du médicament publie régulièrement des rappels concernant les règles de bon usage de ce type de médicaments, dont l’usage prolongé ou à trop forte dose peut s’avérer toxique non seulement pour les reins et le système digestif (estomac), mais aussi sur le plan cardio-vasculaire (hypertension, accident vasculaire cardiaque ou cérébral) ou pour les enfants à naître, en cas de prise pendant la grossesse.

Une étude récente de l’équipe Neuro-Dol a montré que plus de 1 % des femmes enceintes recevaient des remboursements suite à des prescriptions de ces médicaments du 6e au 9e mois de grossesse, période de contre-indication absolue. Un pourcentage qui ne comprend pas les cas d’automédication.

Ces travaux ont fait l’objet d’une information de l’ANSM en début d’année 2017 pour rappeler ce risque et la nécessité de contre-indiquer les anti-inflammatoires, dont l’ibuprofène, pendant la grossesse.

Un pictogramme est apposé depuis le 17 octobre 2017 sur toutes les boîtes de médicaments contre-indiqués pendant la grossesse, y compris, donc, l’ibuprofène, afin de mieux informer la patiente enceinte en cas d’automédication.

Les opioïdes : prévenir la dépendance et les overdoses

Les dérivés de la morphine, ou antidouleurs opioïdes, sont essentiellement représentés en France par la codéine, le tramadol et la poudre d’opium consommés par 11 millions de Français chaque année et la morphine, l’oxycodone et le fentanyl, prise par un million de Français.

L’ANSM a organisé en mai 2017 une journée d’échange dédiée à ces médicaments et la réduction des risques associés. Les deux principaux risques justifiant la nécessité de mieux informer les patients sur le bon usage de ces médicaments uniquement sur prescription sont celui de la dépendance, ou addiction, et celui de l’overdose, ou intoxication accidentelle parfois mortelle.

Au regard de la crise des opioïdes nord-américaine, la situation française est à surveiller, comme en témoignent les chiffres d’overdoses révélés par l’étude de l’Observatoire français des médicaments antalgiques.

Pour prévenir cela, le respect rigoureux de la prescription médicale est indispensable en veillant à ne jamais surdoser son traitement, en respectant la durée de celui-ci et en ne partageant jamais ces médicaments avec son entourage.

Une action nationale dédiée au bon usage des antidouleurs

Cette année, du 26 au 30 novembre, le Ministère des Solidarités et de la Santé organise la semaine de la sécurité des patients sur le thème « le médicament à bon escient ». Cela se traduit par des actions nationales, régionales ou locales des acteurs de la santé, afin non seulement de promouvoir le bon usage des médicaments, d’en limiter les risques ou effets indésirables, d’en assurer la juste prescription, mais aussi de penser à leur déprescription en cas d’inefficacité ou d’effets indésirables.

Cette action d’information sur le médicament s’inscrit aussi dans le prolongement du rapport sur l’amélioration de l’information des usagers et des professionnels de santé à propos du médicament, rendu public le 3 septembre 2018. Elle propose notamment de renforcer la culture générale du médicament du grand public.

Enfin, placer le patient au cœur du système et faire de la qualité de sa prise en charge l’une des priorités est au cœur de la stratégie de transformation du système de santé, le plan « Ma santé 2022 ». Cela implique forcément de mettre en place des actions de prévention des effets indésirables évitables des médicaments. En effet, il faut rappeler que 95 % des consultations médicales se terminent par une ordonnance.

L’Observatoire français des médicaments antalgiques (OFMA), dont l’une des missions est de faire la promotion du bon usage de ces médicaments antidouleurs, propose avec de nombreux partenaires dont l’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM), l’Association francophone (de patients) pour vaincre la douleur (AFVD) et la Société française d’etude et de traitement de la douleur (SFETD) un document original destiné aux usagers. Il reprend l’essentiel pour bien prendre, et à moindre risque, son traitement par paracétamol, ibuprofène ou un dérivé de la morphine.

Compte tenu de la prévalence très élevée des douleurs aiguës et chroniques, les médicaments antidouleurs sont essentiels dans la panoplie des thérapeutiques. Leur bon usage relève d’abord de leur juste prescription par le médecin, ou de leur juste dispensation par le pharmacien. Mais l’information relative à ce bon usage doit aussi être partagée avec les patients, qui doivent recevoir les connaissances essentielles pour garantir le meilleur rapport bénéfice-risque de leur traitement.

Étant donné que l’innovation pharmacologique est en panne dans le domaine de la prise en charge de la douleur, il est nécessaire de garantir la sécurité d’emploi des médicaments existants, afin de maintenir un accès facilité au plus grand nombre.The Conversation

Nicolas Authier, Médecin psychiatre, professeur des universités-praticien hospitalier, U1107 Inserm/UCA, Université Clermont Auvergne

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.